Indignité des conditions de détention à la prison de Bois d’Arcy : la justice saisie en urgence
Après que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a appelé en décembre dernier à suspendre les incarcérations au sein du Centre pénitentiaire de Bois d’Arcy, trois organisations – soutenues par cinq barreaux et trois associations d’avocats – saisissent la justice : elles demandent des mesures en urgence pour garantir le respect des droits fondamentaux dans l’établissement.
L’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), l’Observatoire international des prisons (OIP) et l’Ordre des avocats du barreau de Paris saisissent, ce lundi 3 avril, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles d’une requête visant à mettre un terme à l’indignité des conditions de détention et aux violations flagrantes des droits fondamentaux des personnes détenues au sein de centre pénitentiaire de Bois d’Arcy.
Cette requête fait suite aux recommandations en urgence publiées par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) en décembre dernier. Au cours de leur visite, les contrôleurs ont constaté « des conditions de détention indigne : surpopulation, désœuvrement, entrave à l’accès aux soins, recours excessif aux mesures de contrôles et de contrainte, désorganisation générale de la détention »[1]. Selon eux « ces conditions de détentions ne permettent de garantir ni la sécurité des personnes écrouées, ni celles des personnes qui travaillent au centre pénitentiaire ».
Dans son rapport, la CGLPL alerte sur les nombreux problèmes induits par la vétusté de l’établissement, mis en service en 1979. À l’issue d’une visite inopinée de l’établissement menée en septembre 2022, le député William Martinet avait également souligné la totale vétusté du bâtiment. La cuisine est insalubre et compromet la sécurité sanitaire des détenus. En outre, nombre d’entre eux se voient distribuer des repas froids et l’impossibilité d’installer des plaques chauffantes en cellule les poussent à avoir recours à des systèmes particulièrement dangereux tels que des « chauffes » artisanales, bricolées à l’aide de canettes ou de boîtes de conserves et de mouchoirs imbibés d’huile auxquels ils mettent le feu. Une pratique d’autant plus dangereuse que la sécurité incendie est loin d’être assurée.
L’autorité de contrôle comme le député dénoncent également les conditions de vie des détenus en cellule : espace de vie insuffisant, matelas posés à même le sol, fuites d’eau non réparées, fenêtres en mauvais état les exposant aux intempéries etc. Il en va de même, plus largement, de l’ensemble des parties communes. La cour de promenade est « brute, parsemée de déchets »[2], les espaces de circulations sont sales et les douches collectives sont insalubres.
La CGLPL s’inquiète par ailleurs des difficultés d’accès aux soins. En effet, outre la longueur des délais pour obtenir des rendez-vous médicaux régulièrement dénoncée par les détenus, elle relève que « jusqu’à 40 % des rendez-vous médicaux ne sont pas honorés ».
Prenant acte de cette situation, la Contrôleure recommande la suspension pure et simple des incarcérations « jusqu’à ce qu’une inspection générale de la justice confirme que la sécurité des détenus est assurée au regard des situations décrites ».
Par leurs recours, les organisations requérantes entendent contraindre l’administration à adopter un certains nombre de mesures portant notamment sur la prévention des risques d’incendie, sur l’amélioration des conditions matérielles d’accueil des détenus et sur l’accès aux soins. Le Conseil national des barreaux (CNB), le Syndicat des avocats de France (SAF), la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA) ainsi que les Ordres des avocats des barreaux des Hauts-de-Seine, de Meaux, de Seine-Saint-Denis, du Val d’Oise et de Versailles ont décidé de se joindre à la procédure en tant qu’intervenants volontaires.
Ce communiqué est co-signé par l'OIP, l'A3D et l'Ordre des avocats du barreau de Paris.