Résolution du Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris
Conseil du 18 juillet 2017
Le Barreau de Paris exprime sa plus vive préoccupation concernant la situation de l’avocat camerounais défenseur des droits de l’homme Nkongho Felix Agbor-Balla qui est sous le coup de huit chefs d'accusation, dont certains sont passibles de la peine de mort, en vertu de la loi de 2014 contre le terrorisme.
Le 5 décembre 2016, Nkongho Felix Agbor-Balla a formé le Consortium Camerounais de la Société Civile Anglophone (CACSC) afin d'aborder les questions relatives aux droits humains posées par les manifestations dans les régions anglophones du Cameroun. Le 17 janvier 2017, le CACSC a appelé les citoyens du Cameroun Occidental à respecter l'engagement de non-violence pendant les manifestations. Le même jour, le ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation, Rene Emmanuel Sadi, a pris un décret interdisant le CACSC. A la suite de cela, Nkongho Felix Agbor-Balla a été arrêté à Buea où il est emprisonné. Sa demande de libération sous caution a été refusée le 7 juin 2017 par le tribunal militaire de Yaoundé.
Le Barreau de Paris est également très préoccupé par la situation de notre Confrère ABADEM Walter arrêté à Buea dans le sud-ouest le 9 février 2017. Il a été transféré à Yaoundé le lendemain 10 février 2017 et gardé à vue à la Direction nationale de la Police Judiciaire jusqu’au 27 février 2017, date à laquelle il a été présenté au Commissaire du Gouvernement du Tribunal militaire de Yaoundé, puis à la Présidente de cette juridiction qui a décidé de son placement en détention préventive. Il est poursuivi devant cette juridiction pour les crimes d’apologie du terrorisme, sécession, rébellion et autres crimes connexes, pour avoir envoyé un ou plusieurs SMS incitant à la poursuite du mouvement de grève et de villes mortes suivi dans la partie anglophone du pays.
Notre Confrère Walter ABADEM est malade et a été transféré à la demande de son avocat à l’hôpital où une intervention chirurgicale est envisagée dans le bas de la colonne vertébrale. Son avocat a formulé une demande de substitution du mandat de détention provisoire en mesure de surveillance judiciaire mais cette demande a été rejetée alors qu’elle a été acceptée pour la personne qui est poursuivi avec lui pour les mêmes motifs.
Il semblerait que les défenseurs des droits humains ayant pris la tête de l'appel au respect des droits des citoyens des régions anglophones soient pris pour cible et accusés par les autorités en vertu de la loi de 2014 contre le terrorisme. Cette loi comprend une définition vague du "terrorisme", qui inclut notamment le fait de perturber le fonctionnement normal des services publics et des services essentiels pour la population, ou la création d'une situation de crise au sein de la population.
Le Barreau de Paris appelle les autorités camerounaises à prendre toutes les mesures afin que cesse l’utilisation de la loi contre le terrorisme à des fins de répression de la liberté d’expression et d’association.
Le Barreau de Paris est par ailleurs extrêmement préoccupé par le fait qu’un tribunal militaire soit compétent pour statuer sur une affaire qui concerne des civils pour des faits pour lesquels la peine de mort est applicable.
Le Barreau de Paris entend demeurer particulièrement vigilant concernant les suites qui seront données à cette affaire par les autorités camerounaises.