Sentinelles des Libertés : Fin de vie libre et choisie : doit-elle devenir un droit ?
Liberté de choix ou régression éthique porteuse de dérives ? Sensible, clivant, complexe, le débat sur l’euthanasie n’est pas nouveau mais n'en demeure pas moins d'actualité. Le barreau de Paris s'est penché dessus à l'occasion d'un webinaire organisé dans le cadre des Sentinelles des libertés.
Dans le cadre de la mission « Sentinelles des libertés, lancée par le Bâtonnier Olivier Cousi, qui a su lors des périodes d’état d’urgence sanitaire défendre le rôle de l’avocat vigie des libertés, la Bâtonnière de Paris, Julie Couturier, a rappelé que l’extension, la conservation des libertés et la pérennité de l’État de droit sont les priorités du barreau de Paris.
L’organisation d’un débat apaisé en prévoyance d’un projet de consultation citoyenne du président de la République concernant les problématiques liées à la fin de vie est apparue impérative au regard des situations humaines et déontologiques impliquées. Si de nombreuses lois, telles que, la loi Kouchner de 1999, la loi Léonetti de 2005 et la loi Claeys-Leonetti de 2016 ont consacré, entre autres, la liberté du patient, le refus de l’acharnement thérapeutique ainsi que l’égalité d’accès aux soins palliatifs, force est de constater qu’aujourd’hui encore, l’égalité des soins garantie par la loi n’est pas effective, notamment en matière de fin de vie, et ce, malgré les plans de développement successifs.
La problématique de la fin de vie libre et choisie soulève essentiellement deux questions. D’une part, la consécration ou non d’un droit à mourir, c’est-à-dire, conférer au patient la liberté de choisir de mourir, et d’autre part, l’accompagnement des personnes en fin de vie.
Avant toute réflexion sur ces questions, il convenait de définir la notion de « fin de vie ». Selon Jean-Luc Romero-Michel, la définition de la notion de fin de vie selon la loi Claeys-Leonetti est extrêmement restrictive qui se pourrait à « l’agonie ». Il propose une définition plus large qui permettrait, dans le cadre notamment de maladies dégénératives, d’anticiper sa fin de vie. A contrario, Sarah Dauchy estime que la notion de fin de vie va au-delà de l’agonie et estime qu’il est nécessaire de ne pas restreindre celle-ci aux derniers instants de la vie. Pour elle, cette notion doit concilier anticipation et subjectivité. Giovanna Marsico insiste essentiellement sur l’effectivité des dispositions relatives à la fin de vie. Selon elle, il est nécessaire de renforcer les moyens tant financiers qu’humains et de communiquer sur les droits des patients et sur le rôle des soignants en soins palliatifs, présents au moment de la fin de vie.
Selon Damien Le Guay, le terme de « fin » est inadapté face aux situations en cause. Il souhaite que cette notion soit étudiée en dehors de la loi afin d’éviter la surproduction de normes sur ce sujet qui génèrerait de multiples contentieux juridiques. Il considère que la fin de vie ne saurait être réduite à la question de l’euthanasie au motif que peu de personnes seraient concernées. Partageant l’avis de Giovanna Marsico, il estime, en outre, que la notion de fin de vie est essentiellement un sujet d’accompagnement.
Ensuite, il importait de déterminer si le droit à mourir consistait à laisser mourir ou faire mourir la personne souffrante. Stefan Disch a alors rappelé qu’en Suisse, il n’existe pas de textes spéciaux relatifs aux soins palliatifs ou mentionnant l’euthanasie. Tout repose sur les dispositions relatives à la protection de la vie du code pénal, qui prévoit, entre autres, le suicide assisté. Selon Jean-Luc Romero-Michel, l’application de la loi Claeys-Leonetti n’entraîne pas de distinction entre « laisser mourir » et « faire-mourir ».
Pour Sarah Dauchy, cette distinction n’est pas un sujet pour les patients mais uniquement pour le législateur.
À l’inverse, selon Damien Le Guay, cette distinction est superficielle mais essentielle, entre l’intention et l’absence d’intention de donner la mort. Elle protège le médecin du risque d’un sentiment de « toute puissance » dans la mesure où il pourrait dès lors se substituer à la volonté du patient.
Enfin, s’agissant de l’accompagnement des personnes mourantes, Giovanna Marsico tient à rappeler le rôle de la « personne de confiance » dans l’accompagnement et la prise de décision du patient.
Quant à Damien Le Guay, il estime que la désignation de la personne de confiance est indispensable dans le dispositif de fin de vie par rapport aux directives anticipées. En Suisse, Stefan Dish rappelle que le suicide assisté est légal, mais sa particularité est qu’il se décide en amont et les proches sont davantage associés.
En conclusion, Sarah Dauchy estime qu’une consultation ou un référendum sur la fin de vie ne répondra pas aux attentes des patients. Néanmoins, il importera dans le débat qui s’ouvrira, de ne pas porter atteinte à la confiance des citoyens dans le système hospitalier et dans les associations de défense des patients.