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Secret professionnel et Legal privilege : état des lieux et enjeux

Mis à jour le 27 avril 2021

La première conférence de la Rentrée du barreau de Paris était consacrée à un sujet majeur pour la profession : le legal privilege et l’avocat en entreprise, deux problématiques indissociables de celle du secret professionnel de l’avocat.

Le débat a été ouvert par Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris et Raphaël Gauvain, député et auteur du récent rapport « Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale », qui préconise la création d’un statut d’avocat en entreprise. Tous deux ont rappelé la nécessité de mieux protéger nos entreprises, ce qui implique aujourd’hui de protéger les avis juridiques internes des entreprises, en instaurant un legal privilege et ainsi un statut d’avocat en entreprise. Une nécessité d’autant plus prégnante que « nombre d’avocats parisiens exercent aujourd’hui en entreprise à l’étranger, sans pouvoir se faire muter à Paris sous peine de devoir démissionner du barreau », comme l’a souligné le bâtonnier de Paris.

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Une première table ronde a permis de mettre en perspective la situation française avec celle de certains de ses voisins européens ou partenaires plus lointains. Edith Kindermann, présidente du barreau allemand, Michel Forges, bâtonnier de l’ordre français du barreau de Bruxelles et Simon Davis, président de la Law Society of England and Wales ont ainsi exposé que le legal privilege existe dans leurs pays respectifs aux côtés du secret professionnel propre aux avocats. Une distinction qui n’existe pas au Québec, comme l’a indiqué Louis Riverin, bâtonnier du barreau de Québec, où avocats et avocats en entreprise siègent ensemble au Conseil de l’Ordre.

Marc Mossé, président de l’Association française des juristes d’entreprises (AFJE) et directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft Europe, a rappelé pour sa part, qu’il y a actuellement une inégalité des armes pour les entreprises françaises, qui ne peuvent se protéger en l’état de la législation française, face à des enquêtes diligentées par des autorités étrangères comme dans la récente affaire qui a impliqué BNP Paribas. Un point également relevé par Raphaël Gauvain, qui estime que le montant de la condamnation de BNP Paribas aurait certainement été inférieur si les avis juridiques internes n’avaient pas dû être communiqués. Instaurer un « legal privilege à la française » participerait finalement, selon Camille Potier, membre du Conseil de l’Ordre de Paris, du droit pour les justiciables à ne pas s’auto-incriminer.

Quels sont alors les enjeux pour les entreprises dans le contexte géopolitique actuel ? Lors de la deuxième table ronde, Thomas Baudesson, ancien membre du Conseil de l’Ordre de Paris, a souligné les enjeux de compétitivité des entreprises françaises : sans protection de leurs avis, les juristes d’entreprises sont réduits au statut de « majeurs incapables » et se voient souvent exclus des réunions stratégiques de l’entreprise. Des enjeux également pointés par Laure Lavorel, présidente du Cercle Montesquieu, qui a rappelé tout comme Marc Mossé, qu’aujourd’hui les juristes d’entreprise travaillent de plus en plus sur la mise en place de programmes de conformité (compliance) et concourent à leur bonne application afin de prévenir certaines infractions. Or l’exercice de la compliance implique, selon elle, que les avis juridiques soient protégés par une forme de confidentialité.

S’ils partagent ce constat, Guillaume Daieff, premier vice-procureur et chef de la section économique, financière et commerciale du parquet du TGI de Nanterre, et Maxime Galland, responsable du Pôle expertise juridique et internationale au sein de l’Autorité des marchés financiers, ont toutefois mis en avant les risques de blocage des enquêtes menées par les autorités françaises en cas d’instauration d’un legal privilege à la française.

Conscient des enjeux parfois contradictoires, Raphaël Gauvain a conclu en indiquant qu’il faudra, si un legal privilege voyait le jour en France, trouver un juste équilibre entre la protection des entreprises françaises contre les procédures extraterritoriales et la nécessité de ne pas paralyser les enquêtes menées en interne par les autorités françaises, un « débat qui devrait avoir lieu courant 2020 » et auquel Marie-Aimée Peyron souhaite que le barreau de Paris soit associé, en participant notamment à l’expérimentation du statut de l’avocat en entreprise.