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Retour sur les Chantiers de la collaboration

Découvrez la synthèse de la séance plénière
Mis à jour le 6 octobre 2022

Les chantiers de la collaboration


Synthèse de la séance plénière

 

Julie COUTURIER
Bâtonnière de l’Ordre des avocats de Paris

La crise de la Covid-19 et ses conséquences économiques et sociales ont insufflé de nouvelles aspirations et transformé le rapport au travail. Désormais, ce sont les cabinets qui rencontrent des difficultés pour recruter.

Les réponses des avocats collaborateurs aux différents questionnaires font état d’au moins trois remarques récurrentes :

  • Le contrat libéral est trop souvent pratiqué comme une forme de salariat.
  • L’égalité entre les femmes et les hommes est inexistante dans nombre de cabinets.
  • L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle des collaborateurs n’est pas jugé satisfaisant.

S’ajoutent à ces constats quelques témoignages faisant état de discriminations et de harcèlement sexuel ou moral. Sur ce point, la présente mandature est placée sous le signe de la tolérance zéro.

30% des avocats abandonnent la robe avant une décennie d’exercice tandis que de l’autre côté, un grand nombre de cabinets peinent à recruter.

Au cours de l’après-midi, seront évoquées les thématiques du management au sein des cabinets associé à la question l’évolution de carrière, des conditions d’exercice et des conditions du dialogue intra et interprofessionnel.

 

Olivier LAUDE indique que le premier constat ayant émergé, est celui d’un besoin de sens accru, d’autonomie et de parcours non linéaire exprimé par les nouvelles générations, ainsi qu’un souci de mettre leurs ambitions personnelles au service du collectif.

En deuxième lieu, l’autorité des patrons des cabinets n’est pas remise en cause, à la condition de s’accompagner d’une véritable légitimité professionnelle et intellectuelle.

Le troisième constat est celui de la nécessité d’une flexibilité de la collaboration libérale, avec toutefois quelques voix discordantes en la matière.

En quatrième lieu, l’échec n’est pas inéluctable : on peut tomber sept fois et se relever la huitième.

Les propositions issues de ces constats sont les suivantes :

  • donner de la visibilité aux collaborateurs sur leur parcours ;
  • pratiquer un feedback dans les deux sens entre les collaborateurs et le cabinet ;
  • former les avocats aux règles de management dès l’EFB et par la suite ;
  • expliquer aux nouveaux collaborateurs les règles du cabinet, par exemple dans un livret d’accueil correspondant à la réalité ;
  • repérer rapidement les comportements toxiques, les identifier et les traiter en interne.

Alexandre IPPOLITO définit le management comme la faculté d’anticiper les tendances, de dialoguer en permanence avec les collaborateurs et de leur apporter au quotidien la satisfaction et les contreparties. Quelle que soit la taille de la structure, la mise en place d’un forum d’échanges est indispensable pour communiquer en toute transparence et favoriser le collectif.

Atelier n°2 : Equilibre entre vie personnelle et vie professionnelle

Clarisse SURIN présente les différents constats posés, notamment ceux de l’accélération de la charge de travail entraînant un déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, du volume d’activité, de la diversification des tâches confiées aux collaborateurs et de la désintermédiation.

Parmi les pistes d’amélioration évoquées pour améliorer les conditions de travail des collaborateurs, figurent :

  • l’augmentation de la période de congés payés à six voire sept semaines ;
  •  la création au sein des petites structures d’un espace de dialogue au moins mensuellement ou trimestriellement ;
  •  la définition du « temps consacré à la collaboration », non présente dans les textes.

Atelier n°3 : mobilité professionnelle et départ de la profession, Opportunités

Laure TRIC précise que l’atelier sur la mobilité professionnelle a donné l’occasion à deux anciennes avocates d’apporter leur témoignage. Dans le premier cas, la mobilité a été choisie et même sollicitée. A l’inverse, la seconde consœur a expliqué avoir été « dégoutée » de la profession par ses stages successifs.

Dans une grande majorité de ces comportements déviants des cabinets, la formation du management laissait à désirer. Cette formation s’impose non seulement à l’école mais tout au long de la carrière d’un avocat.

Il apparaît en outre indispensable que tous les cabinets installent un espace de dialogue régulier.

Caroline de PUYSEGUR déplore que les avocats quittent la profession, mais constate que ces mobilités peuvent aussi constituer une richesse quand une expérience d’avocat permet d’irriguer la profession de juriste d’entreprise.

Laure TRIC fait part des regrets exprimés par nombre d’avocats, de ne pas être suffisamment aidés à entrer dans la magistrature.

Christophe CALVAO estime qu’un avocat quittant la profession représente un échec pour celle-ci dans son ensemble. En tout état de cause, l’arsenal ordinal compte de plus en plus de sanctions, dont les collaborateurs peuvent se saisir.

Atelier n°4 : Tribunal médiatique et saisine des instances

Laëtitia MARCHAND relate les propos de Marc Leplongeon, journaliste au Point, selon lequel un journaliste a avant tout pour mission de documenter. Marc Leplongeon a donc pu affirmer l’importance qu’il accordait au contradictoire. De façon très claire, il a souligné qu’on n’obtenait pas justice en allant dans les médias. Dans la salle, il a été reconnu que la création de la COMHADIS représentait une réelle évolution pour les personnes victimes de harcèlement, discrimination et agissements et propos sexistes. Pour autant, le constat d’une impunité persistante et de la crainte des représailles a également été posé.

Les axes d’amélioration sont les suivants :

  • la sensibilisation, en incluant des psychologues, pour prendre en charge les personnes dans la détresse psychologique ;
  • la constitution d’une commission indépendante de l’Ordre pour aider à la libération de la parole, ainsi que la création d’évènements pendant le week-end pour permettre aux victimes d’y assister ;
  • la formation, tant des référents EFB que de chaque membre du Conseil de l’Ordre et de la COMHADIS ;
  • la communication des décisions disciplinaires devenues définitives ;
  • la levée de la confidentialité de l’avis de la COMHADIS.

Une intervenante fait part des inquiétudes exprimées par certains élèves-avocats vis-à-vis de la collaboration, qu’ils envisagent d’exclure pour s’installer directement. Or l’installation doit rester un choix effectif et non la renonciation à un mode d’exercice.

Nicolas de SA-PALLIX suggère de mettre en place une Commission Collaboration associant collaborateurs et collaborants, sur le modèle d’un Conseil de Prud’hommes.

Atelier n°5 : Agir contre le harcèlement et les discriminations

Caroline de PUYSEGUR indique que les intervenantes étaient une psychologue clinicienne et la fondatrice de l’association Ni victime ni bourreau. Plus que la sanction, la prévention des comportements de discrimination et de harcèlement est indispensable. Outre le harcèlement en provenance de la hiérarchie, il existe aussi un harcèlement de nature transversale.

Certains cabinets ont mis en place une grille d’autoévaluation de leurs organisations, sur le modèle de celles pratiquées dans le domaine de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La psychologue a insisté sur l’importance d’accompagner les changements d’organisation afin qu’ils soient compris pour éviter les comportements déviants.

De même, il importe de déculpabiliser les victimes. Enfin, la mise en cause de la responsabilité des structures dans l’omerta a été évoquée. sur le modèle de la responsabilité d’une entreprise.

Atelier n°6 : Egalité professionnelle et parentalité

Elodie LEFEBVRE fait part du constat d’une inégalité liée à la parentalité, pesant principalement sur les femmes. Toutefois, la parentalité évolue d’une conception restrictive du seul congé de maternité vers une prise en compte de toutes les formes de parentalité.

Globalement, il a été observé que les grands cabinets français et anglo-saxons étaient plutôt vertueux. En revanche, pour les petites et moyennes structures, un congé parentalité représente un coût élevé, rendant difficile le maintien d’une rétrocession d’honoraires tout en maintenant le chiffre d’affaires. Sur ce dernier point, il existe une inégalité de traitement en matière d’indemnités journalières versées par la CPAM entre les salariés et les collaborateurs pendant le congé parentalité.

La pénurie des modes de garde a été pointée. De ce fait, de jeunes parents, particulièrement les femmes, quittent la profession.

Enfin, les inégalités relatives au crédit d’impôt entre les grandes structures employant des salariés, et les avocats exerçant à titre individuel dans des petites et moyennes structures, ont été signalées à la ministre Isabelle Rome.

Gabriel DI CHIARA attire l’attention sur la difficulté que représente l’organisation des modes de garde des enfants en bas âge, en raison des horaires d’un avocat, difficilement conciliables avec ceux d’une crèche. Le coût des modes de gardes, principalement à domicile pour un avocat ou une avocate, se révèle donc excessif.

Une intervenante soulève la question de l’effectivité du congé. Il est donc nécessaire de garantir que le congé est réellement pris par le collaborateur qui, en outre, doit continuer de bénéficier du paiement de ses factures par le cabinet.

Une intervenante met en parallèle la prise en charge du congé maternité et paternité et le nombre très faible de femmes associées par rapport à la globalité des avocats. Face à cette situation, un grand nombre de collaboratrices brillantes et prometteuses quittent la profession après quelques années.

Pour assurer une égalité professionnelle, il serait opportun de :

  • mettre en place une grille des rémunérations pour éviter la discrimination au retour de congé maternité ;
  • concevoir des parcours annuels d’association entre les associés et les collaboratrices ;
  • permettre à tous les collaborateurs, pas seulement les femmes, de prendre leur congé parental ;
  • mettre en place des horaires aménagés aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

Atelier n°7 : Difficultés de recrutement et de trouver une collaboration

Un intervenant relève le changement de perception des jeunes avocats, dans le sens d’une revalorisation de la profession de juriste d’entreprise par rapport à celle d’avocat. Il faut par conséquent s’interroger sur les avantages que les jeunes collaborateurs peuvent trouver au métier de juriste d’entreprise.

Le deuxième constat est celui d’une incertitude sur l’évolution de la carrière de collaborateur.

En troisième lieu, il existe une méconnaissance par les collaborateurs, de la diversité du Barreau et des structures susceptibles de les embaucher. Ces difficultés sont accrues par l’hyperspécialisation des jeunes collaborateurs, accroissant l’inadéquation entre l’offre et la demande.

Gabriel DI CHIARA communique les propositions ayant émergé :

  • le suivi par les managers du cabinet d’une formation au management ;
  • inciter les managers à donner du sens à l’activité de collaborateur au sein de la structure ;
  • effectuer une présentation de la diversité des métiers de l’avocat au plus tôt (et au plus tard au sein de l’EFB) ;
  • le développement du statut de l’avocat salarié ;
  • l’amélioration de la présentation des offres de recrutement des cabinets d’avocats ;
  • le retour du stage.

Alexandre DUPREY souligne que la chute d’attractivité s’accroît face aux désirs nouveaux d’une génération. L’une des valeurs fortes pour les jeunes avocats est celle de l’entreprenariat. Le défi pour les cabinets est aussi d’inciter les jeunes collaborateurs à rester, en particulier en leur donnant du sens pour qu’ils accomplissent toute leur carrière au sein du même cabinet.

Carole PAINBLANC pointe la nécessité pour les cabinets d’innover et de trouver des solutions RSE pour être attractifs, à l’instar des start-uppers.

Atelier n°8 : Evolution et management de carrière

Thierry SCHOEN, sur le thème de l’évolution de carrière, insiste sur l’importance, pour les jeunes avocats, de travailler en cabinet pendant un certain temps, avant de rechercher d’autres opportunités et de faire valoir son expérience sur le marché.

De même, il est essentiel pour un jeune avocat de faire son « marketing personnel » en assistant à des séminaires, en écrivant des articles et plus généralement, en se constituant un réseau.

Pour les jeunes collaborateurs, la perspective de l’association paraît lointaine. Le cabinet Clifford Chance a donc créé des statuts intermédiaires, dont celui de Counsel. Cela étant, la majorité des collaborateurs après cinq à huit ans, s’installent ou rejoignent des cabinets comparables pour y être associés directement après huit à dix années de pratique chez Clifford. Quoi qu’il en soit, la transparence en matière de carrière des collaborateurs et de perspectives d’association est essentielle.

Concernant le parcours en entreprise, Isabelle Salhorgne, ancienne avocate de chez Freshfield devenue directrice juridique de branche chez TotalEnergies, a décrit les belles carrières que les avocats sont susceptibles d’accomplir dans les entreprises et les grands groupes du CAC 40.

Atelier n°9 : Fidélisation des collaborateurs pour les cabinets et développement de la clientèle personnelle

Guillaume MARTINE fait part du constat selon lequel l’aide apportée au jeune collaborateur dans le développement de sa clientèle personnelle, constituait aussi un moyen de le fidéliser. Le collaborant a donc tout intérêt à être disponible pour intégrer le jeune collaborateur à toutes les étapes, notamment pour la gestion d’un dossier, la stratégie à adopter et la facturation des clients.

Sophie ANDRIEU estime que pour fidéliser les collaborateurs, la qualité de la formation, y compris en matière de développement de la clientèle personnelle, ainsi que l’information et l’échange sont essentiels.

Les pistes d’un allongement des congés payés à six ou sept semaines devront être étudiées, de même que celle de la formation des associés des cabinets. La piste du mentorat pourrait également être envisagée. Enfin, le sujet de l’apport d’affaires nécessitera une réflexion.

David VAN DER VLIST souligne que le développement de la clientèle personnelle figure au deuxième rang des préoccupations exprimées par les collaborateurs dans les enquêtes, après l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ces enquêtes font état d’un tiers des collaborateurs empêchés, du fait de leur lourde charge de travail, de développer une clientèle personnelle.

Antoine LAFONT insiste sur la notion indispensable de transparence, tant du collaborant que du collaborateur : sur les attendus respectifs, la gestion et la stratégie du dossier, la gestion de la clientèle et la facturation.

La question de la rémunération a également été évoquée, avec des pistes innovantes telles que celle de l’intéressement du collaborateur aux résultats du cabinet en fonction de l’avancement de sa carrière.

 

Julie COUTURIER
Bâtonnière de l’Ordre des avocats de Paris

En synthèse, est apparue la nécessité de proposer davantage de formations au management pour les collaborateurs et aussi pour les cabinets.

Lors du Conseil d’Administration de l’EFB, la décision a été prise de modifier les études en déplaçant le module sur la collaboration libérale au moment du stage final, afin qu’il trouve une application concrète.

Le développement et la contractualisation du télétravail tout en conservant une souplesse est nécessaire.

Sur l’égalité et les luttes contre les discriminations, les pistes sont les suivantes :

  • poursuivre les efforts de la COMHADIS et accroître la communication autour de cette commission ;
  •  aboutir à davantage de transparence et mieux communiquer sur les décisions disciplinaires, dans le respect de la confidentialité ;
  • mettre en place une autoévaluation des cabinets sur le modèle de la lutte contre le blanchiment ;
  • étudier la responsabilité collective de la structure qui « laisse faire » en cas de harcèlement et de discrimination.

Sur la parentalité, un groupe de travail a été constitué pour obtenir de meilleures prises en charge.

L’accent doit être mis au stade de la formation initiale sur les spécificités et les diversités du métier d’avocat pour flécher les secteurs en croissance et inciter les jeunes à se diriger aussi vers les petites et moyennes structures. En outre, une trop grande spécialisation n’est pas recommandée.

Une autre piste consiste à proposer un kit de communication « installation » qui permettrait d’améliorer la visibilité des avocats. Il convient aussi de proposer davantage de formations à l’entrepreneuriat ainsi qu’à la négociation des honoraires et à la facturation.

Sur l’égalité, des formations faisant intervenir des psychologues pourraient permettre aux femmes de prendre conscience des autolimitations existantes.  

Enfin, le mentorat sera mis en place au niveau du Barreau, afin de permettre aux jeunes collaborateurs de rechercher un référent conseil extérieur expérimenté.

(Re) Découvrez la séance plénière des chantiers de la collaboration en vidéo