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Responsabilité pénale : l’Ordre des Avocats du barreau de Paris s’oppose à un projet de loi fourre-tout, bâti dans la précipitation

Mis à jour le 20 octobre 2021

L’Ordre des Avocats du barreau de Paris regrette la rapidité avec laquelle le gouvernement et le législateur se sont saisis de la question complexe de la responsabilité pénale et ne peut que s’opposer au vote de telles dispositions dans de pareilles circonstances dont il résulterait une probable pénalisation de la maladie mentale.

D’ores et déjà débattu à l’Assemblée nationale, le Projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure est discuté aujourd’hui par les sénateurs.

À l’initiative du gouvernement, ce texte vise, dans sa première partie, à répondre à la question de l’irresponsabilité pénale en cas d’intoxication volontaire par absorption de substances psychoactives. De fait, le projet de loi entend modifier le code pénal, en ajoutant à l’article 122-1, des dispositions faisant exception à l'irresponsabilité et à l'atténuation de la responsabilité en cas d’abolition ou d'altération du discernement de l’auteur résultant « d’une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives. ».

Le projet de loi prévoit également de réprimer de lourdes peines de prison et d’amende le cas où l'abolition temporaire du discernement est la conséquence d'une intoxication volontaire dont les risques potentiels de mise en danger d’autrui étaient connus de l'auteur de l'acte et au cours de laquelle une atteinte aux personnes a été commise. Et si l’auteur a déjà été antérieurement jugé pénalement irresponsable d’un homicide commis sous l’empire d’une abolition du discernement consécutive à une intoxication par substances psychoactives, les peines seront encore aggravées.

Il est même envisagé d’imposer un renvoi devant les juges du fond pour décider de l’application de l’article 122-1 dans certains cas où la faute de l’auteur est susceptible d’avoir généré l’abolition du discernement. 

À travers exceptions, imprécisions et circonstances aggravantes disparates, le projet de loi et ses amendements portent ainsi en germe une déstabilisation du cadre juridique de la responsabilité pénale sans répondre à la question primordiale des moyens de la justice en la matière et de la psychiatrie légale en particulier.

Quelle que soit l’issue des discussions au Sénat, l’Ordre des Avocats du barreau de Paris émet donc une profonde réserve sur la nécessité de légiférer sur cette question sensible et complexe et tient à rappeler son attachement au principe selon lequel, conformément à une tradition pluriséculaire constituant une pierre angulaire de notre droit pénal, les personnes n’ayant pas de discernement au moment des faits ne peuvent être jugées pénalement responsables, faute d’imputabilité.

Le préjudice des victimes de ces actes ne saurait jamais être réparé par la loi et encore moins lorsqu’elle est imprécise et rédigée en réaction à une affaire qui a profondément et à juste titre ému l’opinion publique. Légiférer dans l’émotion apporte rarement toutes les réponses qu’espèrent souvent les victimes face à la sidération générée par de tels faits.

Cette nécessité de légiférer s’impose d’autant moins que, mandatée par le gouvernement, la commission RAIMBOURG-HOUILLON de février 2021 avait précisément préconisé l’absence de toute réforme de l’article 122-1 du Code Pénal et estimait que les articles 706-119 et suivants du Code de procédure pénale assurent un certain équilibre entre les parties sous réserve des recommandations qu’elle formulait.

L’Ordre des Avocats du barreau de Paris, qui approuve totalement les conclusions de cette commission, nourrit dès lors de vives craintes sur le risque de difficultés juridiques collatérales, et notamment la difficulté pour le juge et l’expert de se prononcer sur l’intentionnalité, le discernement et le lien de causalité entre toxique et passage à l’acte, en cas de modification des textes existant.