Nouvelles dispositions du Code de justice administrative - décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 – «JADE»
Au 1er janvier 2017
L’attention des avocats est attirée sur l’entrée en vigueur au 1 1 2017 du Décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative (partie réglementaire), publié au JORF n°0257 du 4 novembre 2016
La commission ouverte de droit public de l’Ordre s’est réunie le 25 novembre 2016 pour examiner ces nouvelles dispositions, dont plusieurs sont contraignantes pour les justiciables.
Une nouvelle réunion sera prochainement fixée sur le même thème.
On trouvera ci- après une présentation rapide de l’essentiel du nouveau texte
Jean-Jacques ISRAEL
Avocat à la Cour
Ancien membre du Conseil de l’Ordre
Responsable de la Commission ouverte de droit public
Le décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative (partie règlementaire), publié au JORF n°0257 du 4 novembre 2016, dit « Justice administrative pour demain » (JADE), entre en vigueur le 1er janvier 2017.
Ce décret inclut de nombreuses dispositions, dont il convient de s’enquérir impérativement, puisque le non-respect de celles-ci, est susceptible d’entrainer des désistements d’office au risque d’engager la responsabilité professionnelle de l’avocat.
Ces dispositions sont les suivantes :
- Sur l’accès à la juridiction administrative
Le nouvel article R.421-1 du CJA aligne le régime des recours en matière de travaux publics sur le régime de droit commun quant au délai d’introduction d’un recours.
En effet, la nécessité d’une décision préalable est imposée : ce qui conduit à enfermer les recours dans le délai de deux mois faisant suite à la réponse de l’administration, et ce comme désormais en toutes matières même dans l’hypothèse d’une réponse de rejet implicite.
Ainsi, le nouvel article R.421-3 du CJA subordonne le recours dirigé contre une décision implicite de rejet en plein contentieux au délai de deux mois.
L’attention des avocats est attirée sur l’accroissement du risque de forclusion des recours.
En outre, la nouvelle rédaction de l’article R.222-1 du CJA étend le pouvoir du juge unique en matière d’ordonnance de « tri » sans instruction contradictoire, à travers la possibilité donnée aux présidents de Cours administratives d’appel de rejeter « les requêtes manifestement dépourvues de fondement ».
De même, le nouvel article 822-5 du CJA permet aux présidents de chambre du Conseil d’état de ne pas admettre par ordonnance des pourvois manifestement mal fondés lorsqu’ils sont dirigés contre des décisions rendues en appel.
En outre, la nouvelle rédaction des articles R.222-1, R.122-7 et R.122-12, a pour conséquence d’élargir le cercle des magistrats habilités à régler par ordonnance le « tri » des requêtes sans instruction contradictoire, puisque les présidents de juridiction peuvent désigner, à cette fin, des magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint le grade de premier conseiller.
Notons que le nouvel article R.412-1 du CJA emporte modification des conditions de recevabilité des recours présentés en obligeant le requérant à produire l’acte attaqué (c’est-à-dire la décision unilatérale, ce qui est classique, soit le contrat), sans que ce recours puisse être prématuré dans les contentieux indemnitaires, et ce à peine d’irrecevabilité (article R 421-1 du CJA). La réclamation doit bien être « préalable ».
L’attention des avocats est attirée sur le fait que les dérogations au principe de la collégialité et du contradictoire découlant de ces nouvelles dispositions doivent être appréhendées par les justiciables, afin de ne pas compromettre leur accès au juge.
En outre, l’attention des avocats est également attirée sur le fait que les dispositions les plus contraignants issues de ce décret et relatives à l’instruction des recours par le juge, chargé de « dynamiser » l’instruction, imposent à l’avocat de nouvelles obligations dont le non-respect est susceptible d’entraîner la mise ne cause de sa responsabilité professionnelle.
- Sur la « cristallisation » des moyens
Généralisant une possibilité offerte, à la demande des parties, dans le seul contentieux de l’urbanisme, le nouvel article R.611-7-1 du CJA confère au juge rapporteur le pouvoir de demander aux parties de communiquer, dans un délai déterminé, l’ensemble des moyens invoqués afin de mettre fin à la production de tout nouveau moyen, tout en autorisant le retrait de cette ordonnance de « cristallisation ».
L’attention des avocats est attirée sur le fait que ces dispositions peuvent affecter substantiellement l’économie du contrôle de légalité exercé par le juge administratif en lui aménageant la faculté de recevoir ou non de nouveaux moyens post ordonnances de « cristallisation », alors que le non-respect de la mise en demeure de « cristallisation » peut être lourde de responsabilité.
- Sur le mémoire récapitulatif
Le nouvel article R.611-8-1 du CJA confère au juge rapporteur la faculté de demander aux parties de produire un mémoire récapitulatif dans un délai déterminé. À défaut de le faire, le demandeur est réputé se désister d’office.
L’attention des avocats est attirée sur le fait que cette disposition affectera principalement le demandeur, et par conséquent le justiciable ordinaire. La responsabilité professionnelle de l’avocat se trouverait engagée pour le non-respect de cette disposition.
- Sur l’interpellation en vue du maintien du recours
Le nouvel article R.612-5 du CJA insère dans l’office du juge la faculté de demander au requérant s’il entend maintenir sa demande et ce dans un délai déterminé. À défaut de réponse dans le délai déterminé, le requérant est réputé s’être désisté d’office.
L’attention des avocats est attirée sur le fait que cette disposition mettant en cause les principes généraux de la procédure comme les précédentes nécessite d’être scrupuleusement suivie, eu égard aux conséquences qu’elle est susceptible d’emporter quant à la responsabilité de l’avocat.
- Les ordonnances de séries et les requêtes collectives
Le nouvel article R.222-1 du CJA, dans l’hypothèse où un dossier dont serait saisie une juridiction relèverait d’une série et que le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat aurait déjà attribué à une juridiction un dossier relevant de la même série, confère au président de la Cour administrative d’appel ou du Tribunal administratif, la faculté de transmettre le dossier à cette juridiction.
Par ailleurs, le nouvel article R.411-6 du CJA prévoit, dans l’hypothèse d’une requête ou d’une défense présentée par plusieurs auteurs, que la décision juridictionnelle puisse être notifiée au seul représentant unique qui sera, par défaut, le premier nommé.
L’attention des avocats est attirée sur le fait que l’information des autres parties par le représentant unique n’est pas sanctionnée et qu’il convient par conséquent d’être vigilant sur ce point.
- Sur le ministère d’avocat
Le nouvel article R.431-3 du CJA dispense du ministère d’avocat tous les contentieux sociaux (et spécialement le contentieux du DALO indemnitaire ou celui des titres exécutoires émis par Pôle Emploi,…).
Le nouvel article R.431-2 du CJA restreint le caractère obligatoire du ministère d’avocat dans le cadre du contentieux contractuel, en le limitant aux cas dans lesquels la requête a pour objet un « litige né de l'exécution d'un contrat » et non plus un « litige né d’un contrat ».
En revanche, la dispense d’avocat prévue par l’ancien article R.811-7 du CJA est supprimée et l’obligation du ministère d’avocat est étendue au contentieux des fonctionnaires en appel, aux litiges en matière de travaux publics et d’occupation contractuelle du domaine public (nouvel article R.431-3 du CJA).
- Sur la sanction du recours abusif
Le nouvel article R.741-12 du CJA porte le montant de l’amende en cas de recours abusif de 3000 euros à 10 000 euros.
- Sur le rôle des greffiers
Les nouveaux articles R.122-28, R.226-1, R.611-10 du CJA ont pour effet d’accroitre le rôle du greffier dans le cadre notamment de l’instruction.
L'article R. 122-28 du code de justice administrative est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le greffier en chef de chambre assiste le président de chambre dans l'instruction des dossiers. A cette fin, il peut proposer toute mesure utile pour leur mise en état. Il est chargé de la mise en œuvre et du suivi des mesures retenues et peut signer à cette fin les courriers en informant les parties. »
Le quatrième alinéa de l'article R. 226-1 est complété par la phrase suivante :
« Il assiste le magistrat chargé de l'instruction dans la conduite de celle-ci. A cette fin, il peut proposer toute mesure utile pour la mise en état des dossiers. Il est chargé de la mise en œuvre et du suivi des mesures retenues par le magistrat et peut signer à cette fin les courriers en informant les parties. »
L'article R. 611-10 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « à laquelle il appartient » sont insérés les mots : « et avec le concours du greffier de cette chambre » ;
2° Au deuxième alinéa, après la référence : « R. 611-7 » est insérée la référence : « R. 611-7-1 » et après la référence : « R. 613-1 » est insérée la référence : « R. 613-1-1 ».
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LISTE DE DISPOSITIONS DU DÉCRET N°2016-1480 DU 2 NOVEMBRE 2016
NON TRAITÉES DANS CETTE NOTE :
- Le nouvel article R.222-13 du CJA excluant pour le juge unique la possibilité de statuer sur des actions indemnitaires en matière de contrat de la commande publique.
- Le nouvel article R.312-2 du CJA fixant le lieu d’exécution du contrat comme étant le principal critère de compétence.
- Le nouvel article R.431-8 du CJA introduisant l’obligation d’élection de domicile sur un des territoires qu’il mentionne pour les parties non représentées résidant en dehors de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse.
- Le nouvel article R.621-1 du CJA prévoyant le recours à la médiation par l’expert en phase d’instruction.
- Le nouvel article R.811-1 du CJA prévoyant que les contentieux contractuels des litiges indemnitaires peuvent désormais donner lieu à appel.
- Le nouvel article R.776-16 du CJA, en matière de droit des étrangers, transfère le contentieux des obligations de quitter le territoire français relatives à un requérant placé au centre de détention N°3 du Mesnil-Amelot du Tribunal Administratif de Melun au Tribunal Administratif de Montreuil.