Libye : Saïf al-Islam Kadhafi condamné à mort par un tribunal de Tripoli
Un tribunal libyen a prononcé la condamnation à mort de Saïf al-Islam Kadhafi et d’anciens responsables libyens, suscitant de vives critiques de la part de la communauté internationale sur la légitimité du procès.
Le 28 juillet 2015, la Cour d’Assises de Tripoli a rendu son jugement : elle condamne par contumace le fils de Mouammar Khadafi, Saïf al-Islam, ainsi que 8 dignitaires proches de l’ex-dictateur à la peine capitale pour leur implication dans la répression du soulèvement de 2011 en Libye. Parmi eux figurent également l’ancien chef des services de renseignement du régime Kadhafi, Adbullah Sanoussi, et deux anciens Premiers Ministres, Baghdadi al-Mahmoudi et Abuzaïd Dorda.
Les suspects étaient accusés d’assassinats, de pillages, d’atteinte à l’union nationale, d’incitation à la violence et d’armement de mercenaires africains. Au-delà des 9 condamnations à mort, 23 autres membres du gouvernement Kadhafi ont été condamnés à des peines de prison allant de 5 ans à la perpétuité. Mais les accusés affirment qu’ils ont été victimes de maltraitance et n’ont eu qu’un accès très limité à leurs avocats. La communauté internationale et la société civile ont vivement critiqué le procès et le jugement, tant sur le plan politique que juridique.
De nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, parmi lesquelles Human Rights Watch, Amnesty International, No Peace Without Justice, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme ainsi que l’International Bar Association, ont dénoncé de graves violations du droit à un procès équitable. D’après des informations communiquées par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), les accusés n’auraient pas bénéficié d’une véritable assistance juridique au cours du procès. Les avocats de la défense se plaignent de ne pas avoir pu s’entretenir en privé avec leurs clients et d’avoir eu des difficultés pour accéder à la totalité du dossier en temps utile.
D’autre part, le procès a eu lieu dans un contexte d’instabilité politique forte, nourrie par des conflits armés qui rendaient difficile l’application d’une justice équitable et transparente. Deux gouvernements se disputent aujourd’hui l’autorité sur la Libye : d’un côté le Parlement de Tobrouk reconnu par la communauté internationale et de l’autre une autorité rivale auto-proclamée installée à Tripoli. Le gouvernement de Tobrouk a contesté dès le départ la tenue d’un procès à Tripoli et a invité la communauté internationale à ne pas reconnaitre les verdicts.
La légitimité du procès est également remise en question par le différend qui oppose les juridictions libyennes à la Cour Pénale Internationale (CPI). Cette dernière considère qu'elle est la juridiction compétente pour juger le fils de Mouammar Kadhafi. En effet, depuis juin 2011, Saïf al-Islam fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la CPI pour crimes contre l’humanité relatifs au soulèvement de 2011. Mais la Libye a toujours refusé de le livrer à La Haye, malgré les nombreuses demandes d’extradition de la CPI et la saisine du Conseil de Sécurité des Nations Unies en décembre 2014.
De plus, depuis sa capture en novembre 2011, Saïf al-Islam est emprisonné à Zintan et les factions libyennes qui le détiennent ont refusé de le transférer à Tripoli pour le procès, comme le réclamait le procureur. Saïf al-Islam Khadafi a donc été déclaré coupable et condamné par contumace. Le temps du procès, entre mars 2014 et mai 2015, Saïf al-Islam devait donc comparaître par vidéoconférence depuis son lieu de détention. Mais ce lieu est inconnu et l’accusé n’aurait plus été vu depuis juin 2014. D’après Human Rights Watch, les garanties minimales de procédure pour les procès par contumace ne semblent pas avoir été respectées dans le cas de Saïf al-Islam.
En réponse au verdict prononcé contre le fils de l’ex-dictateur, le Procureur de la Cour Pénale Internationale a demandé aux juges libyens de ne pas exécuter Saïf al-Islam Kadhafi et de le remettre à la CPI. La Cour Suprême de Libye doit se livrer à un examen indépendant des verdicts du tribunal libyen et évaluer minutieusement le déroulement du procès, afin de déterminer si la procédure a été véritablement équitable et transparente.