Les avocats dénoncent les graves défaillances de la protection de l'enfance à la suite du drame survenu dans un hôtel du Puy-de-Dôme
Une adolescente de 15 ans a été retrouvée pendue, le 25 janvier 2024, à Aubière dans le Puy-de-Dôme, dans la chambre d’hôtel où elle était hébergée dans le cadre de son placement, depuis plusieurs mois, apprend-on.
Tandis qu’une enquête a été ouverte par le procureur de la République de Clermont-Ferrand pour préciser la cause et les circonstances de son décès, ce drame met une nouvelle fois en exergue les difficultés récurrentes de la protection de l’enfance. Elles perdurent particulièrement dans la prise en charge des mineurs placés en raison du manque criant de lieux de placement adaptés et le recours encore fréquent aux structures hôtelières qui ne le sont manifestement pas, faute d’encadrement suffisant et approprié.
La loi n°2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a interdit à compter du 1er février 2024 les placements en hôtel, à l’exception de certaines dérogations et à titre exceptionnel.
Conformément au A du II de l’article 7 de la loi, jusqu’à l’entrée en vigueur de cette interdiction, les placements d’hôtel ne pouvaient excéder une durée de 2 mois.
La profession d’avocat avait déjà exprimé de vives réserves sur les risques du dispositif prévu par la loi, à l’époque où elle avait été discutée au Parlement.
Or, il apparaît que les décrets transitoires d’application de ce dispositif n’ont en réalité jamais été publiés et qu’il reste encore de nombreux décrets d’application de la loi en attente de l’être.
Alors qu’il n’existe pas d’estimation récente sur le nombre d’enfants effectivement accueillis en hôtel, les statistiques publiées par l’IGAS en 2020 les évaluaient entre 7 000 et 10 000 mineurs. Le récent rapport n°837 fait au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat par Monsieur Bernard BONNE relatif à l’application des lois relatives à la protection de l’enfance s’y réfère et confirme l’urgence d’une interdiction de recourir à ces structures hôtelières qui doit aujourd’hui être strictement respectée.
De plus, dans le prolongement du plan Marshall que le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) a appelé de ses vœux le 12 octobre 2023, le Conseil national des barreaux, la Conférence des Bâtonniers et le barreau de Paris entendent conjointement attirer l’attention de Monsieur le Premier ministre sur l’urgence de la situation de l’Aide sociale à l’enfance qui appelle des réponses concrètes à la crise majeure que connaissent les institutions qui prennent soin des enfants les plus fragiles, dans les domaine de la santé, de l’éducation, de la justice et de l’hébergement, malgré l’implication que les acteurs de la protection de l’enfance manifestent personnellement au quotidien.
Ils entendent aussi rappeler l’impérieuse nécessité, parmi les priorités du gouvernement, de porter une attention particulière aux enfants, à leur bien-être et au respect de leurs droits méritant ainsi d’être incarnée au plus haut niveau de l’Etat.
Outre les mesures concrètes permettant de sécuriser les dispositifs de protection, ils appellent à la solidarité nationale en faveur des familles les plus vulnérables et à la mise en œuvre d’organisations s’appuyant sur des financements complémentaires et une coopération entre les services de l’État et les acteurs territoriaux, au soutien de tous les enfants.
La dégradation des situations familiales, la précarisation de la jeunesse, la saturation des dispositifs d’accueil des enfants en danger, la crise des recrutements, l’épuisement des équipes, et la nécessité d’assurer la défense effective des droits de tous les enfants dans toutes les procédures les concernant constituent autant de défis majeurs qu’une refonte globale de la politique publique de l’enfance peut relever.
Il convient de rappeler que les avocats sont les garants de l’effectivité de la défense des droits de chaque enfant en danger.
Par conséquent, au deuxième anniversaire de la loi du 7 février 2022, le Conseil national des barreaux, la Conférence des Bâtonniers et le barreau de Paris en appellent à des actions concrètes et immédiates pour éviter que des drames comme celui qui s’est déroulé dernièrement à Aubière se renouvellent et pour que l’avenir de nos enfants soit préservé dans tous les domaines qui les concernent.