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Kazakhstan : mobilisation du barreau de Paris

Mis à jour le 30 avril 2021

Le Barreau de Paris conjointement avec la FIDH: les nouvelles règles régissant l’activité des avocats et des juristes au Kazakhstan portent atteinte à l’indépendance de la profession juridique

Le Parlement du Kazakhstan a adopté des amendements à la loi sur les activités professionnelles des avocats et l’assistance juridique, qui placent les professionnels du droit sous un contrôle gouvernemental centralisé et violent leur liberté d’association. La FIDH et le Barreau de Paris plaident pour l’abrogation de la nouvelle version de la loi, car elle ne respecte pas les normes internationales relatives au droit d’accès aux services juridiques ainsi que celles relatives à l’indépendance de la profession juridique.

Le 8 avril 2021, suite aux délibérations d’une commission conjointe de la Chambre basse (Majilis) et de la Chambre haute (Sénat), le Parlement kazakh a adopté des amendements controversés à la Loi sur les activités professionnelles des avocats et l’assistance juridique.[1] Les amendements à la loi prévoient une centralisation encore plus grande de la gestion des consultants juridiques [2] (ci-après "juristes") : d’une part, ils augmentent la taille des associations régionales du barreau des juristes de 50 à 200 membres, et d’autre part, ils obligent ces associations à adhérer à l’association nationale (républicaine) du barreau.

L’adhésion aux associations régionales du barreau des juristes est devenue obligatoire pour les juristes qui ne sont pas des avocats agréés en 2018, à la suite d’une nouvelle série de mesures législatives restrictives dans ce domaine. L’Association nationale du barreau des juristes est une autre innovation introduite par les amendements de 2021 : grâce à une centralisation et une influence accrue sur cet organe, l’État pourra contrôler davantage l’activité des juristes en imposant des sanctions disciplinaires frivoles et des règles injustifiées.

En outre, les amendements confèrent au ministère de la justice davantage de pouvoirs sur les associations d’avocats, ce qui constitue une ingérence flagrante dans la profession juridique, conçue pour être indépendante et auto-organisée selon les normes internationales, notamment les Principes de base relatifs au rôle du barreau (les "Principes de base"). Les Principes de base stipulent que "la protection adéquate des droits de l’homme ... exige que toutes les personnes aient un accès effectif à des services juridiques fournis par une profession juridique indépendante". [3] De même, l’accès à un avocat indépendant est un élément essentiel du droit à un procès équitable prévu à l’article 14, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Plus précisément, le coût des services des juristes et des avocats augmentera en raison des cotisations supplémentaires, que les avocats devront payer aux associations nationales, ainsi qu’en raison de l’introduction d’un système d’information numérique "Заң көмегі" (Kazakh "Aide du droit") avocats. Ainsi, l’assistance juridique qualifiée devient moins accessible au public, ce qui rend potentiellement ces dispositions discriminatoires et, là encore, incompatibles avec les Principes fondamentaux.

La version précédente de la loi " sur les activités professionnelles des avocats et l’assistance juridique ", adoptée en 2018, bien que moins répressive, contient un certain nombre de dispositions contestables. Les plus problématiques prévoient la création d’un ordre national des avocats contrôlé par l’État, l’ingérence de l’exécutif dans le processus d’attestation et les procédures disciplinaires à l’encontre des avocats et les violations de la liberté d’association et d’autorégulation des avocats.[4] En 2018, le rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats, Diego Garcia-Sayan, a noté que cette loi (alors un projet de loi) violait gravement les normes internationales.[5]

Les nouveaux amendements s’inscrivent dans la tendance générale d’ingérence de l’État dans les activités des associations et syndicats indépendants au Kazakhstan. Par exemple, le gouvernement a récemment introduit une législation restrictive dans le domaine des syndicats, ce qui a porté atteinte à leur indépendance. Dans ce contexte dangereux, la FIDH et le Barreau de Paris appellent à l’abrogation de la loi, car elle pourrait également conduire à la disparition d’une profession juridique indépendante.

  1. Loi de la République du Kazakhstan du 5 juillet 2018 n° 176-VІ.
  2. La loi utilise le terme "consultant juridique” pour désigner les juristes exerçant devant les tribunaux qui ne sont pas des avocats agréés. La différence entre un consultant juridique et un avocat agréé selon la loi et la pratique du Kazakhstan est que les avocats n’ont pas besoin d’une licence pour exercer mais, contrairement aux avocats, ils ne sont pas autorisés à représenter des clients dans des affaires pénales ou lorsqu’il s’agit des cas d’infractions administratives.
  3. https://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/RoleofLawyers.aspx
  4. https://www.osce.org/files/f/documents/c/c/376189.pdf
  5. https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=23579