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Rencontre avec David Velazco, directeur de FEDEPAZ au Pérou

Mis à jour le 27 avril 2021

La criminalisation de la contestation sociale au Pérou menace désormais l’exercice professionnel des avocats et conduit à une restriction du droit à la défense des personnes poursuivies.

Le 10 octobre 2015, M. David Velazco Rondón, directeur exécutif de FEDEPAZ (Fondation œcuménique pour le développement et la paix), a été reçu par le Barreau de Paris représenté par Anne Souléliac, responsable droits de l’homme et Rébecca Radereau du Département des relations internationales.

Créée en 1993, FEDEPAZ est une association péruvienne de défense des droits de l'homme, notamment au regard du droit à l’environnement, du droit des populations autochtones et de la protection du territoire. Elle accompagne les populations victimes de violations de leurs droits liées aux exploitations minières et pétrolières. M. David Velazco, responsable du Département des Droits Civils et Politiques de cette association, conseille et assure la défense de ces populations et des défenseurs des droits de l’homme péruviens actuellement menacés.

M. David Velazco a exposé l’incompréhension qui existe aujourd’hui entre les autorités péruviennes et la population. Le Pérou a connu ces dernières années une croissance très forte qui a culminé à 6,5% en 2011 avant de redescendre aujourd’hui à 2,4%. L’économie péruvienne repose essentiellement sur l’exportation de matières premières comme l’or, l’argent ou le cuivre, dont les sous-sols péruviens sont très riches. L’Etat péruvien a donc choisi de privilégier l’extraction de matières minérales et d’hydrocarbures en se préoccupant peu de l’environnement et des populations vivant dans les zones exploitées.

Par conséquent, cette réussite économique ne s’est pas accompagnée du développement social attendu. La pauvreté, la difficulté d’accès aux services de santé, le faible niveau d’éducation, et la spoliation des terres des populations autochtones, nourrissent la protestation sociale.

Assouplissement des normes

En 2015, des mesures législatives ont été mises en place qui facilitent l’investissement privé et assouplissent les normes environnementales. La Loi 32.30 réduit le délai pour effectuer les études d’impact environnemental de 8 mois à 60 jours. L’accord des experts est souvent donné faute de temps pour conduire les recherches. Une deuxième loi passée en 2015 autorise l’Etat à donner les terres des populations indigènes en concession aux entreprises dès lors qu’elles n’ont pas de titre de propriété.

Cette loi est une violation directe de la loi relative à la consultation préalable des peuples indigènes votée en 2011, ainsi que de la Convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux qui reconnait aux populations autochtones l’appartenance ancestrale de leurs terres sans obligation de détenir un titre de propriété. L’exemple le plus éloquent est celui de la région de Cajamarca dont 96% du territoire est divisé en concessions minières. Alors que cette région est la plus pauvre du pays, les populations spoliées ne profitent pas des bénéfices de de la concession.

Criminalisation sociale

Les chantiers d’extraction sont aujourd’hui la cause d’une forte conflictualité sociale. D’après la Defensoria del Pueblo, 70% des conflits sociaux enregistrés au Pérou sont d’origine socio-environnementale, et 85% d’entre eux concernent l’activité minière. Les populations dénoncent la contamination des sols et la confiscation de leurs terres par les grandes entreprises transnationales. La répression policière a fait 250 morts et plus de 3600 blessés depuis 2006.

Face à des populations qui revendiquent leurs droits sur leurs terres, leurs ressources, et dénoncent des politiques inadaptées répondant pas à leurs besoins, l’Etat péruvien a mis en place une politique systématique de criminalisation de la protestation sociale. Le droit pénal est instrumentalisé pour poursuivre les meneurs de protestation qui sont fréquemment assignés à domicile ou placés en détention.

Des plaintes sont régulièrement déposées contre les avocats des communautés. Des exceptions légales ont été adoptées afin que chaque avocat ne puisse défendre qu’une personne, ce qui limite considérablement la possibilité de défense des leaders communautaires, compte tenu du faible nombre d’avocats disponibles.

M. David Velazco s’appuie sur le cas de la communauté de Tía María, dans la région d’Arequipa, dans le sud du Pérou. Cinquante personnes sont poursuivies en justice pour s’être opposées au projet d’extraction minière. Parmi elles figurent deux avocats et vingt ONG des droits de l’homme, qui ont été accusés d’association illicite à des faits de délinquance. Les avocats sont ici directement identifiés à la cause de leurs clients.

Cette situation de criminalisation extrême menace l’exercice professionnel des avocats péruviens et conduit à une restriction du droit à la défense des leaders communautaires.

Le Barreau de Paris a témoigné sa profonde préoccupation pour les avocats menacés et entend alerter les autorités judiciaires péruviennes sur cette situation de criminalisation inquiétante.