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Lutte contre la traite des êtres humains : où en est-on ?

Mis à jour le 27 avril 2021

Le 6 décembre dernier, le barreau de Paris organisait un colloque sur la thématique « Enjeux et perspectives de la lutte contre la traite des êtres humains : quelles politiques publiques, quels acteurs ? », afin de faire le point sur ce phénomène encore par trop présent dans le monde.


En effet, 2,5 millions de personnes sont victimes de traite chaque année dans le monde. Selon les Nations Unies et le Conseil de l’Europe, la traite des êtres humains serait la troisième forme de trafic la plus rémunératrice dans le monde après le trafic de drogue et la contrefaçon. Elle générerait un profit de 32 milliards de dollars par an. Ce phénomène revêt différents aspects (commission de délits sous contrainte, exploitation par le travail, exploitation sexuelle, mendicité forcée, etc.) et concerne des victimes et des auteurs de différents pays, de différents continents, des femmes, des enfants et des hommes.

Le colloque a, d’une part, eu pour vocation de dresser un état des lieux du cadre normatif français et européen en matière de traite des êtres humains et de dégager les enjeux et perspectives de cette question. Il a permis, d’autre part, de revenir sur la formation interinstitutionnelle « Enquête et protection des victimes : les enjeux en matière de traite des êtres humains » qui s’est déroulée du 1er au 5 juillet derniers au Fort de Rosny-Seine-Saint-Denis, et qui a réuni une cinquantaine de professionnels – enquêteurs, magistrats, avocats et travailleurs sociaux.

Basile Ader, vice-bâtonnier de Paris, et Olivier Leurent, directeur de l’École nationale de la magistrature (ENM), ont rappelé en ouverture l’importance du travailler ensemble sur les questions de traite des êtres humains et de mieux former les professionnels.

Maria Grazia Giammarinaro, rapporteuse spéciale auprès des Nations Unies sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a dressé le cadre européen de la législation en matière de traite. Elle a dégagé trois tendances :

– la traite est toujours liée aux situations de conflits et post conflits ;

– la traite s’accompagne au quotidien de problématiques économiques en développant un marché du travail parallèle (travail domestique, tourisme, transports) ;

 l’implication importante du secteur privé et des États et les rapports entre judiciaire et non-judiciaire, les mécanismes judiciaires étant longs et parfois pollués par la corruption.

Elle a à ce titre salué le caractère innovant de loi française sur le devoir de vigilance qui implique l’identification des victimes et des risques de traite et de travail forcé, surtout dans la chaîne des sous-traitants et des fournisseurs. Elle a également rappelé que les mineurs représentaient un quart des victimes.

Élisabeth Moirond Braud, secrétaire générale de la MIPROF, a souligné que la traite concerne également la France, de plus en plus exposée à ce phénomène, avec une majorité de victimes d’exploitation sexuelle, et que le phénomène est difficile à appréhender car les victimes ne se reconnaissent pas comme telles. Elle a précisé qu’actuellement 2 928 victimes sont actuellement suivies par 53 associations, 74 % subissant une exploitation sexuelle. Enfin, elle a également évoqué le phénomène de criminalité forcée.

La MIPROF est mobilisée sur ces sujets et coordonne une action nationale de lutte contre la traite des êtres humains (TEH), l’identification des victimes étant au cœur de cette lutte. Un système de définition de critères communs de tous les acteurs reste encore à établir, notamment grâce à la création de commissions départementales de la lutte contre la TEH.

Vanessa Simoni, chargée de mission au sein de l’association les Amis du Bus des femmes, a ensuite souligné qu’il existe d’énorme besoins en termes de prise en charge des victimes, mais que le manque de moyens rend difficile la mise en place de dispositifs efficaces. Elle a également relevé que sur le terrain, la déconnexion entre ce qui était observé et la mise en place de politiques publiques prend beaucoup du temps.

Enfin, Aude Groualle, vice procureur du Parquet de Paris, cheffe de la section P4, en charge des mineurs, a présenté les actions du Parquet de Paris, et Geneviève Colas, coordinatrice du collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » pour le Secours populaire-Caritas France, a évoqué le second plan d’action national contre la traite. Il faut selon cette dernière créer un mécanisme national de référence et d’accompagnement des victimes devant prendre en compte l’accueil, l’orientation des victimes et l’accès au droit, et se doter d’un plan stratégique annuel. Elle souhaite par ailleurs la création d’un observatoire national de la traite et qu’un travail soit entamé dans les autres villes que Paris.

En seconde partie de colloque, la vidéo de la formation organisée en juillet dernier a été projetée et les participants ont échangé sur leur expérience, riche d’échanges, notamment grâce au caractère interprofessionnel de cette formation. Une nouvelle édition devrait être organisée au début de l’année 2021.