L'Europe : une construction par le droit
« Ce que Paris conseille, l'Europe le médite, ce que Paris commence, l'Europe le continue.»
« Soixante-six années déjà se sont écoulées depuis cette déclaration fondatrice de Robert Schuman. Celle du 9 mai 1950. Celle qui ambitionnait d’assurer le bien-être de tous. Celle qui promettait d’édifier, sur les cendres encore brûlantes d’une Europe décimée, le plus puissant rempart jamais encore élevé contre la guerre et la barbarie.
Avec courage, avec force et avec passion, plusieurs générations se sont succédé pour donner leur souffle à cette belle idée, pour poser leur pierre à ce monument politique, à cet édifice juridique.
Plusieurs générations se sont surpassées pour honorer leurs anciens de leur détermination, en plaçant leur pas dans ceux de Jean Monnet, comme pour prouver à la face du monde que, d'une politique des « petits pas », pourrait naître un jour une grande monnaie. Tout ou presque est parti de Paris. De ce traité instaurant la Communauté européenne du charbon et de l’acier.
Ce que Paris avait commencé, l’Europe devait le continuer. Toujours avec la même ambition, poursuivre l’œuvre de cohésion, renforcer l’intégration.
Toujours avec la même méthode, transférer davantage de souveraineté, pour promouvoir la performance de cet espace unifié. Le 4 novembre 1950, les états membres du « Conseil de l’Europe » signaient la fameuse convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Le Conseil de l’Europe allait, par sa propre convention et surtout l’audace de la Cour européenne des droits de l’homme chargée de son exécution, incarner la réalité juridique d’une autre Europe, fanal des libertés, tout entière vouée au progrès de l’humanité.
À l’Europe des valeurs monétaires et financières se joindrait alors une Europe des valeurs morales.
Que cette Europe fut de Bruxelles ou de Strasbourg, le droit devrait y prospérer et y régner en maître, pour le bien- être des hommes et de leur économie. Soixante-six années ont passé et la réalité est venue plus que jamais défier la beauté du rêve et la grandeur de l’idée.
L’Europe de Bruxelles est menacée par le Brexit, alors que l’Europe de Strasbourg est contestée par ceux qui n’acceptent pas une décision de justice qui ne soit pas nationale, c’est une façon aussi de contester les fondements de l'Union européenne.
Face à cette situation, ni résignation ni rétré- cissement de notre engagement, tant il est vrai que « lorsque Paris s’enrhume, l’Europe prend froid ». À l’esprit de Metternich semble répondre, aujourd’hui comme hier, la sagesse de Victor Hugo : « Ce que Paris commence, l’Europe le continue. » Paris doit jouer son rôle pour que l’Europe puisse jouer le sien. C’est donc à nous, c’est donc aux juristes, aux avocats, qu’il incombe désormais de reprendre ce noble flambeau que nous ont légué nos pères. Les difficultés de cette tâche sont à la hauteur de l’honneur qu’elle nous confère. Le barreau de Paris s’est engagé avec conviction. »
Frédéric Sicard
Bâtonnier de Paris
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