Journée Internationale des Droits de l'Homme : J-2
Portrait d'Alice Nkom, avocate camerounaise renommée et particulièrement engagée dans la défense des minorités sexuelles- Jeudi 8 décembre 2016
- Pays d’origine : Cameroun
- Profession : Avocate
- Causes défendues : Alice Nkom est une avocate renommée et particulièrement engagée dans la défense des minorités sexuelles. Son engagement en faveur du respect des droits des personnes LGBTI et des victimes de violence policières lui a valu une reconnaissance internationale de son travail, mais également de nombreuses menaces dans son propre pays.
Avocate au Cameroun, Alice Nkom a consacré sa carrière à la défense des droits de l’Homme et à la défense en particulier des droits des personnes LGBTI, criminalisées et persécutées au Cameroun. L’homophobie au Cameroun est en effet très répandue et se traduit par de nombreux actes de violence et de persécution à l’égard de la communauté homosexuelle. Pourtant, seuls deux avocats au Cameroun sont connus pour avoir pris la défense des droits de cette communauté et pour accepter de défendre des personnes accusées d’homosexualité : Alice Nkom et Michel Togué.
Alice Nkom est par ailleurs la première femme inscrite dans un Barreau de Douala en 1969 à l’âge de 24 ans. Elle fonde en 2003 une association pour la défense des personnes homosexuelles(ADEFHO), seule organisation de ce type dans l’ensemble du pays. Tout au long de sa carrière, elle s’est battue avec courage pour défendre les personnes LGBTI incarcérée et faire modifier la législation camerounaise criminalisant l’homosexualité, en particulier l'article 347bis pénalisant l'homosexualité selon une ordonnance présidentielle de 1972. Elle défend ainsi en 2005, onze jeunes homosexuels emprisonnés et en 2013, obtient le premier acquittement de deux jeunes homosexuels.
Pour ce combat, elle a dû affronter de nombreuses menaces. En 2011, elle est menacée d’arrestation pour avoir reçu un prix des droits de l’Homme de l’Union Européenne. Elle est détenue sans motif connu par la police alors qu’elle se rend auprès de clients et le Ministère de la Justice entame des démarches pour demander sa radiation du Barreau pour « promotion de l’homosexualité ». Nombre de ses confrères ne la soutiennent pas et l’accusent au contraire de pervertir la jeunesse du Cameroun.
En 2013, elle représente un client arrêté et placé en détention pour 3 ans pour avoir envoyé un texto jugé à caractère homosexuel à un autre homme. Son client meurt en prison en raison de complications de santé dues aux conditions de détention. Tout au long de la procédure, Alice Nkom ne cesse de recevoir des menaces de mort. Ces menaces ont été jusqu’à cibler ses enfants, mais malgré plusieurs dépôts de plaintes, la police camerounaise n’a jamais ouvert d’enquête. Alice Nkom a toujours clamé que rien ne découragerait son combat, qu’elle continue aujourd’hui sans faiblir.
Mobilisation internationale.
En 2012, le New Yorker classait Alice Nkom parmi les « figues africaines les plus fascinantes ». Le prix des droits de l’homme de la branche allemande d’Amnesty International lui a été attribuée en 2014 pour son combat pour le droit des LGBT au Cameroun.
L’organisation Lawyers for Lawyers est mobilisée à son soutien : http://www.advocatenvooradvocaten.nl/fr/lawyers/alice-nkom/, de même que l’IDHAE : http://www.idhae.org/fr-camerounnkomtogue.htm. Sa situation a également été dénoncée par Human Rights Watch : https://www.hrw.org/news/2012/10/24/cameroon-investigate-threats-against-rights-lawyers.
L’OIAD soutient l’ensemble des avocats du Cameroun qui se battent pour le progrès des droits au Cameroun et notamment pour la défense des droits des personnes LGBTI et dont le combat entraine des menaces graves et répétées.
Situation des avocats au Cameroun.
Les avocats au Cameroun doivent faire face à plusieurs types de menaces. Le pouvoir, détenu depuis 1982 par le Président Paul Biya, semble en effet vouloir dissuader toute forme de revendication et n’apporte ainsi aucun soutien aux avocats qui s’engagent dans des causes liées aux droits de l’Homme. Dans le même temps, certains sujets, comme les droits des personnes LGBTI, restent encore largement tabous dans la société camerounaise et suscitent même des réactions violentes. Confondant l’avocat et son client, de nombreux citoyens camerounais accusent d’homosexualité les avocats défendant des personnes LGBTI, et en font la cible des mêmes violences qu’ils réservent aux personnes homosexuelles. Cette dangereuse situation explique pourquoi si peu d’avocats camerounais s’engagent pour la défense des droits.
L’opération de lutte contre la corruption engagée par le Gouvernement a également pu servir de moyen de faire taire certains avocats, à l’instar de Lydienne Yem Eyoum, détenue pendant plus de 6 ans dans des conditions effroyables et sans aucun respect des droits de la défense ou des principes du procès équitable.